Alors qu’il arrive que, faute de place, des enfants orphelins dorment dans les bureaux des Département de l’enfance et de la famille dans le Massachussets (DCF), un couple de catholiques s’est vu refuser le droit d’en adopter un. En cause, leur approche quant aux questions LGBTQ. Le couple a décidé de porter plainte. En Amérique du Nord, plusieurs cas de ce genre ont été recensés.
Vétéran de la seconde guerre Golfe, Mike Burke n’imaginait sans doute pas que sa demande d’adoption dans son pays se transformerait en un champ de mines. Lui et son épouse Catherine, ancienne paraprofessionnelle auprès d’enfants ayant des besoins spéciaux, sont des chrétiens très engagés dans leur église. Ils y interprètent la musique durant la messe et y vivent leurs convictions religieuses.
En 2022, ce couple qui ne pouvait concevoir d’enfants a décidé d’en adopter un. Plus de 1 500 enfants sont actuellement sans famille dans le Massachusetts, nombre d’entre eux doivent dormir dans des bureaux d’un centre de Boston, la capitale de l’État. Des travailleurs sociaux ont déclaré au Boston Globe l’an dernier qu’à la fin de la journée, des enfants sous la garde de l’État n’ont nulle part où aller et restent dans les bureaux pour y dormir.
La demande d’adoption pouvait donc ressembler à une formalité. Au plus, les candidats imaginaient que les éventuels obstacles concerneraient le syndrome post-traumatique de Mike Burke, conséquence de son engagement militaire en Irak. Il a fait le choix d’en parler ouvertement lors des 30 heures de formation et d’entretiens, et leur instructeur pour le DCF a souligné dans son rapport que lui et son épouse "ont une solide compréhension de la façon dont les traumatismes peuvent affecter les gens".
Cependant, l’assistante sociale qui avait mené avec eux les entretiens à domicile, Linda-Jeanne Mack, a rédigé son rapport en parlant surtout des options des Burke concernant la sexualité, d’après les documents déposés en justice.
Lorsqu’elle a demandé au couple comment il se sentirait si son enfant venait à s’identifier comme lesbienne, gay, bisexuel ou quer, Catherine Burke a dit qu’elle lui répondrait :
"Il n’y a rien de mal à cela, je vais t’aimer de la même manière, mais je pense que tu aurais besoin de mener une vie chaste."
Le couple a toutefois précisé qu’il restait ferme quant à ses convictions sur l’identité sexuelle, affirmant ne pas croire à la théorie du genre.
Adoption et importance des questions LGBTQ
Le dernier rapport du DCF pour la période du 1er janvier au 31 mars 2023 indique que moins de 1 % des enfants de 3 à 17 ans dont il a eu à traiter les cas s’identifient comme transgenres. Parmi ces sondés qui ont accepté de répondre à ces questions, 46 % des enfants se disent hétérosexuels, moins de 1 % se déclarent gays ou lesbiennes, 2 % affirment se questionner.
Dans son rapport, l’assistante sociale a souligné que couple a "de nombreux points forts… et semble vraiment comprendre ce qu’est l’adoption/le placement familial", mais elle s’est demandé si ses croyances sur le genre et l’orientation sexuelle lui permettrait de "soutenir les jeunes LBGTQIA++". Mack mentionne leur engagement catholique :
"Ils sont fortement impliqués dans leur Église catholique et citent leurs vues religieuses comme la principale raison pour laquelle ils voient les personnes LGBTQIA++ de cette manière."
Cependant, l’assistante sociale n’a pas explicitement recommandé que le couple n'accueille pas d’enfant. Les blocages viennent de responsables de l’équipe d’examen des demandes d’autorisation du DCF qui, selon les documents déposés en justice, ont objecté aux couple candidat qu’il ne respectait pas des “normes d’agrément spécifiques”. La lettre de la commission déclare que les Burke ne remplissent pas les conditions exigeant que les parents "soutiennent et respectent l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'un enfant" et "respectent et s'efforcent de soutenir l'intégrité de l'identité raciale d'un enfant".
Selon la plainte, le couple se réjouissait à l’idée d’accueillir un enfant sans condition d’origine ethnique ou culturelle. Le mémoire souligne que les Burke étaient même ouverts à la possibilité d’adopter plusieurs enfants d’une même fratrie afin qu’ils ne soient pas séparés, et qu’ils étaient prêts à accueillir des enfants avec des besoins spéciaux.
Les Burke ont demandé à Becket, un groupe de défense des libertés religieuses de les représenter devant un tribunal fédéral afin d’empêcher que d’autres familles de diverses confessions se heurtent aux mêmes refus en fin de parcours. Dans un communiqué, le couple a déclaré :
"Après des mois d'entretiens et de formation, et après des années de chagrin, nous étions sur le point de devenir enfin parents [...] Nous avons été absolument dévastés d'apprendre que le Massachusetts préférerait que les enfants dorment dans les couloirs des hôpitaux que de nous laisser d'accueillir des enfants dans le besoin dans notre maison."
Religion et adoption : plusieurs cas de conflits sur fond de questions LGBT
Le groupe Becket estime que l'État a fait de l’adoption une affaire idéologique au détriment de la liberté religieuse garantie par le premier amendement :
"Ce triste conflit était entièrement évitable. Le Massachusetts veut maximiser les familles d'accueil et protéger à juste titre les parents adoptifs potentiels de la discrimination religieuse. Au lieu de cela, le Massachusetts a transformé ses politiques en une interdiction de certaines croyances religieuses. C'est aussi bien inconstitutionnel qu’inutile."
En avril dernier, Jessica Bates, une mère de famille chrétienne dans l’Oregon, a saisi la justice contre l’État après avoir vu sa demande d’adoption rejetée. La certificatrice lui avait demandé ce qu’elle ferait si l’enfant voulait recevoir des injections d’hormones en vue d’une transition de genre, et Bates avait répondu qu’elle le traiterait comme ses autres enfants et refuserait sa demande.
Cependant, dans l’autre sens, la Cour suprême américaine a estimé en 2021 qu’une agence d’adoption chrétienne n’était pas tenue de placer des enfants auprès de couples homosexuels. Il était reproché à l’État de Philadelphie de refuser de passer un contrat avec les services sociaux catholiques au motif qu’ils n’acceptaient les adoptions par des couples homosexuels.
Jean Sarpédon